- Par Louis Leconte
Vendredi 19 mai, au cinquième étage du Palais des Festivals de Cannes avait lieu la projection du film documentaire Liv Ullmann: A road less travelled (sélectionné aux Cannes Classics), en présence de l’équipe du film, dont Liv Ullmann en personne.
Réalisé par Dheeraj Akolkar – Liv & Ingmar (2012), ce film est un hommage à l’une des plus grandes figures du cinéma international de la seconde moitié du XXe s., l’actrice et réalisatrice norvégienne Liv Ullmann. Thierry Frémeaux, le délégué général du Festival, est monté sur scène pour présenter le film et accueillir Liv Ullmann, que le public cannois a gratifié d’une standing ovation. À quatre-vingt-cinq ans, les mains tremblantes agrippées au micro, la muse de feu Ingmar Bergman – Les Fraises sauvages (1957), Persona (1966), Scènes de la vie conjugale (1973) – a remercié le Festival et dédié le film à ses parents décédés.
Liv Ullmann dans Liv Ullman: A road less travelled ©Dossier Presse Cannes
Structuré en trois chapitres et construit comme un documentaire voué à une diffusion télévisuelle, alternant entre séquences d’interview et images d’archives, le film retrace la vie de Liv Ullmann : ses premiers pas en tant que comédienne, au théâtre d’abord, puis au cinéma ; sa relation sentimentale avec Ingmar Bergman (caractérisée par des rapports de force douloureux), ses débuts difficiles aux États-Unis, son travail de réalisatrice, etc.
Le film opère surtout une héroïsation de l'actrice norvégienne
La force du récit vient de la personnalité exaltée de l’ancienne actrice, de son énergie et de son humour. Malheureusement, le film pâtit d'un excès de bon sentiment et d’un angélisme propre à Hollywood (Cate Blanchett et Jessica Chastain répètent incessamment avec compassion à quel point Liv Ullmann est une femme tendre, affectueuse, aimante, etc.). La mainmise manifeste de la star norvégienne sur le contenu du film est étouffant : le réalisateur est incapable d’offrir un contrepoint au portrait enjolivé que la star dessine d’elle-même et dans ce carcan trop serré, il est impossible pour le spectateur de trouver des respirations et de laisser libre cours à son imagination.
Liv Ullmann (à droite) lors de la “Marche pour la survie du Cambodge” en 1980, au côté de Joan Baez (à gauche), Elie Wiesel et Bernard-Henri Lévy (au centre). ©Micheline Pelletier
Le dernier chapitre du film qui se concentre sur l'engagement social et humanitaire d’Ullmann (ambassadrice de Unicef) rajoute à l’angélisme du film une dimension politique à la motivation douteuse. Sous couvert de vouloir éveiller les consciences en rappelant certains évènements dramatiques de l'histoire (comme les massacres de Pol Pot au Cambodge), le film opère surtout une héroïsation de l'actrice norvégienne qui utilisa son influence pour se mobiliser contre les injustices (la précarité du tiers-monde, la mortalité infantile). Le réalisateur semble ainsi pris dans un paradoxe : il s'échine à vouloir présenter Liv Ullmann comme une femme simple et humaine, mais ne parvient qu'à en faire une figure mythique de pureté.
La sympathie qui émane d'Ullmann, les anecdotes parfois drôles que celle-ci raconte avec passion et les quelques moments d'émotion que propose le film (notamment l'hommage rendu à Ingmar Bergman) ne parviennent pas à compenser le sentiment général que le film se complait dans l’idéalisation d'un parcours forcément plus ambigu. Reste l'événement et l'hommage émouvant rendu par le Festival à cette icône du 7e Art qui font de cette soirée une belle entrée en matière pour notre équipe.
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